mardi 3 janvier 2012

Je suis une petite plage, partie 1

Je suis invité à dormir chez le roi. Je ne mets pas de costume parce que j’ai horreur de ça. Par contre j’ai mis un t-shirt vert que tout le monde déteste.

Le roi m’accueille, me fait visiter son château. Nous rigolons. Il s’arrête, ouvre une porte, il demande « voulez-vous dormir là ? ». Je regarde dans la pièce et j’y vois deux morts, pendus autrefois par le cou, mais à présent par les bras. Je dis bonjour, ils me saluent. « Nous sommes morts », disent-ils. Je souris, les morts m’ont toujours beaucoup fait rire. Je referme la porte, me tourne vers le roi et lui réponds que la chambre est déjà occupée. Il hausse les épaules, me dit de le suivre et je le suis.

Nous passons trois couloirs joliment décorés, un bleu, un noir, un blanc. Il pousse une autre porte et annonce : « voici une très jolie chambre ». Je lui réponds que tout est okay. Il me fait trois bises et puis s’en va (je précise qu’il s’agit du roi de Suisse). Je me déshabille et vais me coucher. Je fais un rêve mais je ne le raconterai pas.

*

Le lendemain, nu et libre, je suis réveillé par les tentacules de l’aube.

J’arpente la chambre, chaque objet attire mon regard quelques instants, mais rien d’exaltant, vraiment. Rien à part un grand tableau derrière le lit, qui me semble bouger tout seul. En m’approchant je me rends compte que c’est simplement son réalisme qui me stupéfie. Je prends une gorgée de bière et mes cellules sèches s’étirent. Sous le tableau se trouve une petite plaque de bronze : « Douce réchauffade au bord du Faze ». I thought I could see through it just like people do with Love, but after trying to lick the canvas I had to give it all up, with greasy hair and a sore tongue*.

« L’art vous intéresse ? ». La voix du roi dans l’entrebâillement de la porte. Je jette un drap entre mon sexe et lui, pure convenance. En tant qu’hommes notre mission sur Terre est de montrer notre sexe à un maximum d’autres humains. Il le sait, mais comprend toutefois mon réflexe pudique. « Cette toile a été peinte par Marius Jansenois, un peintre belge d’origine hongroise ».

Un peu surpris qu’on puisse préférer une Belgique humide et boueuse aux confortables vallons de la Hongrie, je passe un peignoir tout en écoutant mon hôte décrire en détail la provenance de tous les objets singuliers qui décoraient ma chambre. Dommage, une fois expliqués, ils perdent tout leur intérêt. Je hausse les épaules : « Meh… l’art c’est pas trop mon truc à moi ». Ensuite, nous sortons.

*

Je ne suis pas là par hasard, moi, je suis un scientifique, moi. Et je sais tout sur tout aussi. Je ne suis pas l’un de ces sentimentaux ridicules, oh loin de là. J’ai résolu l’équation de l’Amour (sexe = problèmes) et de l’espace avec l’appui des plus éminents spécialistes. L’univers est tout simplement trop grand, laissons tomber.

Dehors l’air est frais. Il y a un vieux brouillard qui empêche de voir à trois mètres. Un vent froid s’amuse à s’engouffrer sous mon peignoir. Je ne suis pas sûr de savoir si ça m’amuse autant que lui. Nous traversons successivement deux jardins garnis de rosiers taillés en arches. Les grands rosiers apprennent aux petits tout ce qu’il faut savoir pour être un bon rosier. Comme dans toutes les classes il y a du chahut, à tel point que ma conversation avec le roi s’estompe dans un brouhaha affolant. Notre silence me permet de l’observer un instant tant que nous sommes dans les jardins, et il me semble que sa démarche a un quelque chose de non-suisse. Je range ce détail dans le coin de ma tête qui me sert habituellement pour ranger et classer l’inutile.

Nous arrivons enfin devant le laboratoire royal, bâtiment somptueux de style rococo encore un peu baroque par endroits. Il avait, pour ainsi dire, la forme d’une perle irrégulière. Pour ne pas que cette perle roule et écrase en chemin les appartements des laborantins, elle était soutenue à sa base par un socle pyramidal. Dans ce socle est pratiquée une porte d’entrée, nous y entrons.


* J’ai cru pouvoir voir à travers comme certains savent faire avec l’Amour, mais après avoir essayé de lécher la toile j’ai dû laisser tomber, les cheveux gras et la langue douloureuse.

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