jeudi 19 janvier 2012

La légende des hectolitres

Ce matin j’ai faim je mange mon courrier, tas de publicités pour des opticiens véreux qui en veulent à mes yeux. Puis je vais chez ma tante boire une tasse de thé. Le breuvage manque de piquant, alors je m’endors.

A mon réveil, j’ai vieilli, mes oreilles bourdonnent, je suis entouré d’un brouillard blanc dans une pièce blanche sur une planche grise retenue en l’air par deux chaînes noires accrochées au mur et j’ai une barbe blanche constellée de toiles d’araignée.

Je ne me reconnais plus.

Je me lève et je sens que j’ai du mal, mes jointures craquent et blanchissent, je me sens grincer. Je vois d’autres gens qui sont comme moi et qui disent « je ne sais pas » en grimaçant. Je frissonne. Mais d’un coup le monsieur aux fleurs arrive. Il porte un chapeau panama et un grand sourire. Il nous donne une tulipe à chacun, petits bouts de couleur dans ce gris oppressant. Sa tâche terminée, il s’en va et nous laisse seuls.

Je pense tous les jours au monsieur aux fleurs. Ma tulipe est sur mon lit, à moitié fanée déjà. Moi je dors par terre et je supplie chaque jour le monsieur aux fleurs de revenir pour m’en donner une nouvelle. Alors il revient, toujours souriant, par cette maudite porte qui semble ne vouloir s’ouvrir que dans un sens. A nouveau il nous offre des fleurs avant de repartir. Ce ne sont pas des tulipes cette fois, mais je ne connais pas ces fleurs. Leur forme, leur couleur me sont inconnues. Je demande à tout le monde mais tout le monde me répond « je ne sais pas », alors, de rage, je lance ma fleur par terre, immédiatement interceptée par une souris au pelage blanc porcelaine.

Plus tard, le monsieur aux fleurs revient. Il n’a plus de fleurs cette fois, mais il sourit toujours. Il me dit « vous » et me prend par le bras. Tout le monde nous regarde alors que nous nous engouffrons dans la porte mystérieuse. Mon cœur va exploser. De l’autre côté il fait toujours aussi blanc. Je suis content d’être parti, mais ma vieille tulipe va me manquer.

Nous arrivons dans une grande pièce remplie de cubes colorés. Tant de couleur d’un coup, ça fait presque mal. Je le dis, et le monsieur sans fleurs me répond de n’avoir aucune inquiétude, que j’ai un nouveau travail à présent. Il m’explique qu’il y a quatre étages ici, avec des pièces vides. Il m’explique qu’il faut qu’il y ait dans chaque pièce un même nombre de cubes colorés. Il m’indique l’endroit où est rangée ma brouette de fonction et me donne un badge. Puis, il s’en va.

Je ne sais pas combien de fois j’ai pris l’ascenseur pour amener des blocs à tous les étages, mais ça fait du bien de se sentir utile. Les pièces vides, c’est effrayant. Longtemps après, le monsieur sans fleurs revient. Il me dit que si je travaille très dur, je pourrais bien un jour grimper les échelons et devenir coordinateur du centre de dispatching des blocs colorés.

Je n’ai pas tout compris, mais cette idée me remplit de joie.

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