dimanche 25 décembre 2011

Âme de bois, coeur de verre, chapitre IX


La suite… la suite de quoi ?! Mais qui suis-je ? En tout cas je ne suis pas fin, mais gras ! Gros ! Et j’ai faim. Je renifle trois quarts de seconde et trouve un beau gâteau par terre dont je fais mon dîner. Je pense que finalement les plantes que nous mettons sur les tombes de nos morts ne servent qu’à les empêcher de sortir pour venir faire appliquer eux-mêmes leurs dernières volontés. En effet, qui n’a jamais vu des mauvaises herbes pousser entre deux dalles ? Le principe est exactement le même j’en ai peur (oh là là j’ai un de ces mal de crâne, je n’y vois plus ! je n’entends, n’ouïs ! haha, n’ouïs, marrant) car les plantes en poussant leurs racines saisissent le cercueil du défunt et serrent ! Serrent ! Serrent !

Mais pourquoi ai-je aussi mal à la tête ?

Et pourquoi je n’arrive plus à me souvenir de ce qu’il vient de se passer… Bouteille, bouteille, je t’en foutrai moi des bouteilles ! Ah, le petit chien fauve charbonné, ça je m’en souviens. Un bon souvenir ça… Quel bon chien c’était.

Un dessert maintenant… quoique… je suis déjà bien gros. Non mais regardez moi toutes ces chairs qui pendouillent ! J’ai des étoiles dans les yeux mais je ne peux pas m’empêcher de pendouiller. Fuir est inutile, on ne peut se fuir soi-même, d’ailleurs à quoi bon ? En courant, je ne ferais que donner à mes bourrelets une bonne occasion de faire floc floc.

« Allons, tu n’es pas si gros ».

Qui a dit ça ? Qui ?! Je veux savoir, j’exige des noms ! Des tas et des tas de noms qui vont s’écouler de ne je sais quelle bouche, franchir je ne sais quel estuaire et se ramifier en je ne sais quel delta avant de se jeter dans je ne sais quelle mer ! D’où me vient cette connaissance si parfaite du vocabulaire fluvial ?! … Pourtant je n’ai jamais lu aucun manuel de jenesaiquoilogie… je me vois moi, mais les autres, me voient-ils ?

« Mais oui on te voit ».

Ah, on me répond, c’est toujours ça. Bon sang mais j’ai perdu l’esprit ! Je ne contrôle plus rien, je suis une bête, une bête ! Attrapez moi, ô chasseurs, enfermez moi car je suis dangereux, aha ! Miaou, ouaf, meuh, skwiii ! Je suis un scarabée ! Non, ça a déjà été fait. Je suis un… un… je suis un pauvre bougre, borgne à l’intérieur mais personne ne peut le voir. Personne ne prend la peine de venir masser un peu mon petit cœur de beurre. Les hommes sont des fous, et je ne fais plus exception désormais.

Me voilà qui raisonne… non, je ne raisonne plus. Est-ce une grosse perte ? Non, pas une grosse perte. Je l’ai toujours voulu, alors pourquoi me mettre à rechigner maintenant ? Pourquoi reculer ? J’ai faim… et il n’y a plus de gâteau par terre maintenant, je n’ai plus qu’à boire mes larmes pour me remplir l’estomac. Berk. Pauvre fou, malchance, horreur…

« Allez, ça va bien se passer ».

Ah oui ? Et qu’est-ce qui va se passer hein ? On va me prendre un peu plus de ce que je suis ? Je suis déjà le néant. Je vois double et j’entends triple. Les mots que je dis résonnent dans ma tête comme des cloches mal réglées dans une grotte vide. Et cette migraine atroce ! Ah, ma tête !

« Il délire… ».

Moi, délirer ? Moi ? Ca y est c’est la fin, les gens m’insultent sans aucune raison, je suis impuissant. Mort ! J’entends des voix, j’ai l’impression de les reconnaître mais je me trompe sûrement, c’est la seule possibilité, je ne peux même plus me faire confiance à moi-même.

« Première incision ».

Incision… ça me rappelle mes cours de grammaire, la réforme de l’orthographe et toutes ces bêtises. Mais moi je… non ! Ah mais…

« Fil et aiguille ».

Qui ? J’ai moins mal… moins… qu’est-ce que…

Je sentis l’odeur de l’écorce, des feuilles, une forêt en automne, la beauté d’un ciel orangé me vint à l’esprit et je me sentis bien. Dans ma tête ce fut le crépuscule et ma migraine s’en alla tourmenter quelqu’un d’autre en criant comme une chauve-souris dans les mâchoires d’un chat. Je plains déjà cette personne.

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