Le mouchoir

Dans un bus poussiéreux, boueux
Délabré, voire
Voyez comme la vie des gens se déroule souvent dans un bus
Ces gens sont entassés, compressés
Comme des anguilles sous les roches
Et le moteur tourne
Et le moteur roule, fait rouler, nous fait rouler
Je pense aux autres
Mais pour moi, je n'ai qu'une envie
Certaine, pressante
Et oppressante
Celle d'éternuer
Ca y est, je ruisselle déjà
Je fuis, on me passera l'expression
Mes mouchoirs sont remplis violemment
Un à un sans autre forme de procès

Et bientôt il n'en reste qu'un. Honnête survivant. Naïf petit drapeau de paix. Fier et blanc comme la voile d'un navire qui viendrait me sauver de mon île après des années à survivre en mangeant des racines.

La foule est trop dense
L'air trop épais
Il y a si peu de place
Les convenances m'empêchent de me vider comme je le voudrais
Et cet engin qui n'avance pas...

Un doigt sous le nez
Un autre dans le cerveau
Je vais finir par exploser
Et cet engin qui n'avance pas...

Le mouchoir est là
Immaculé, attendant la maculation
On arrive, le bus s'arrête enfin
Comme l'air contenu dans ballon percé
Je me précipite dehors
Et avec un son de cor
Je m'évanouis dans un torrent de joie et de mucus.